Sur l’éphémère

Parce que j’apprends aujourd’hui à mon fils ce que veut dire le mot
‘’ éphémère ‘’, qu’il est le nom d’un insecte qui ne vit qu’un jour, l’envie me vient de parler de mon art à partir de la notion de durée.

Parce que le geste théâtral ne dure pas, qu’il est un art de l’éphémère, il nous questionne immédiatement sur ce qui dure.

Ce qui dure serait ce qui préexiste au temps de la représentation, et ce qui va au-delà d’elle, qui la prolonge.

Le geste théâtral, à savoir un mouvement du corps, une parole prononcée, est ce qui appartient à l’instant de la représentation et ne prend sa mesure qu’au regard de ce qui le précède et de ce qui le prolonge.

J’ai toujours présent dans ma mémoire le personnage de Hans, dans ‘’ Par les villages ‘’ de P.Handke , interprété par Miloud Khetib et mis en scène par Claude Régy en 1983. Il ne faisait qu’un seul geste de bras qui se lève, tout en proférant les mots du poème dramatique, et ce geste, pour moi, contenait en lui seul tous les gestes et rendait compte de l’absolu. Il était extrêmement concret, simple support des paroles articulées, et à la fois il rendait compte d’une dimension métaphysique puissante, qui bouleversait radicalement la perception du temps. Il était la vie et la mort au même moment.

Si le geste théâtral, la parole proférée ont un sens, ce n’est qu’en tant qu’ils dépassent largement le temps de la représentation, un temps hors temps, comprenant à la fois ce qui lui a précédé (l’histoire, les écrits, la mémoire) et ce qui la prolonge, au-delà du spectateur qui le reçoit, vers ce qui est à venir.

Pouvoir dire ces mots de la ‘’ Penthésilée ‘’ de Kleist, l’instant qui précède celui où elle se portera le coup fatal – plénitude éphémère dans l’absolu dénuement- et que reste en nous leur vibration.

‘’ De seulement être cela me réjouit ‘’.

Elisabeth Moreau / 10 nov 2009 /